La rentrée

Je suis toujours un peu fébrile, émue lors des rentrées scolaires. L’odeur des cahiers neufs ou de la surprise du matériel que l’on retrouve intact après 9 mois dans le pupitre ou le casier, comme si le temps s’était arrêté. Les souliers sont devenus trop petits. À force de jouer dehors dans l’herbe fraîche, je suis certaine que ça fait pousser les pieds plus vite!

  • Alexandra Doyon - Accompagnement pour les familles

Une maturité gagnée. Un autre petit pas de détachement, de coup de bec pour les faire glisser hors du nid. De laisser aller et faire confiance que la communauté prendra le relais de leur éducation. Avec heurts, c’est sûr! Même le plusss plusss meilleur parent du monde ne peut pas éviter ça à sa progéniture. J’ai essayé tsé! Et beaucoup d’autres parents avant et après moi aussi! Pis ça coûte cher en énergie vitale que je n’ai pas pour mettre ailleurs.

Je me suis vite rendu compte que c’était ma propre insécurité qui me faisait douter du monde dehors. De la cour d’école. De la madame du service de garde avec son ton sec comme un biscuits soda. De l’enfant de 7 ans qui n’a que ses poings pour s’exprimer. Je ne voulais pas qu’il imprime ses maux sur le corps de mes filles. Et, je me suis souvenue qu’après m’être fait intimidée à l’école, je l’avais mordu ce grand gars ! Tellement fort que sa mère avait téléphoné à la maison en panique de peur que son enfant ait la rage! Elle avait raison, j’étais enragée ce jour-là! À bout d’insultes, de moqueries, de me faire taxer (j’ai parfois le même sentiment en faisant mes impôts by the way ).

Je me souviens encore du regard des élèves sur moi qui me regardaient avec un mélange d’envie, de fierté et détente que ce bourreau se calmerait peut-être. Et le prof qui répond à ce jeune homme en pleine crise d’identité qu’il l’a bien mérité sa morsure! Je n’ai pas été punie. Légitime défense que j’ai plaidée. J’ai été acquittée et eu droit à la récréation. Même eu le grand privilège de gambader sans surveillance dans les longs corridors de l’école pour aller chercher les berlingots de lait (dans lequel, je mettais du Quick en poudre pour camoufler l’odeur et le goût de poil de la bête!) qu’on était obligé de boire, même quand il était un peu tiédi. Je pense que ma guerrière est née à ce moment charnière de ma vie. Dieu merci car j’en ai eu souvent besoin pour traverser mes tempêtes intérieures et sociétales.

Bon, mordre n’est peut-être pas la meilleure des stratégies, surtout pour pogner la rage ! Mais, mon instinct de protection qui a explosé dans mon ventre m’a guidé toute ma vie. Suivre cet élan de mon vivant, de ma protection, de préserver le beau et le bon en moi. Chaque Humain possède cet instinct de protection. Si je suis toujours derrière mon enfant, à anticiper ses besoins, à le deviner, est-ce que je ne lui empêche pas de trouver ses propres repères, ses manières bien à lui, ses propres couleurs ?

Es-tu ce genre de parent hélicoptère qui est toujours en train d’anticiper ? De deviner ? De lui offrir une collation avant qu’il te dise qu’il a faim ? Ou plutôt un parent calme, suffisamment bon et rassurant pour le laisser explorer et vivre ses petites expériences ? Et l’accompagner avec présence et confiance quand il devra faire face aux conséquences de ses choix.

Mon constat quand je remonte le fil de ma maternité est que j’ai été un peu mère poule, j’avoue. « Croque talon » comme dit Clémence avec beaucoup d’affection. Ben tant mieux! J’ai réparé la petite Alex qui avait besoin de stabilité, de cohérence et de présence. C’est sûr, j’aurais voulu être déjà entière, complète pour ne pas devoir être ma maman en même temps que celle de mes filles parce que c’est un méchant contrat! Mais, aucun parent n’est vierge de manques ou de blessures. L’important, à mon bien humble avis, c’est d’en être le plus possible conscient. Voir nos patterns, nos réactions et se dire. Prendre soin, accueillir et laisser guérir la plaie pendant que je lâche la main (ou qu’il lâche la mienne) de mon petit qui entre dans la cour d’école sans se retourner.

C’est dans l’auto que tu iras pleurer ou bien crier ENFIN! Peut-être auras-tu des fantasmes de parents qui ont choisi de faire l’école à la maison. Comme si c’était la solution magique à tous tes problèmes. Faudrait que tu leur en parle à ses parents qui font ce choix d’être : parent, enseignant, gardien de cours de récré, artistes, évaluateurs, médiateurs, cuisiniers… En fait, je pense qu’ils sont des supers héros dans le contexte actuel. Pis, si tu es CE parent et que tu me lis, me semble que je t’entends me dire : Heu nenon! Ce sont les parents qui ont des enfants dans le système qui sont des Marvel! Le transport, les mésententes sur les valeurs et les choix, la dissonance, les règles qui me paraissent absurdes, l’enfant en difficulté qui doit suivre le programme! Name it!

Moi, j’ai envie de te dire que peu importe ton choix, tu es un parent digne et totalement parfait. Que tu es un Humain intelligent et que tu fais les choix en fonction de l’évaluation de TA réalité. Pas celle du voisin. C’est la catastrophe assurée si c’est ça ta référence, peu importe c’est qui ton voisin! Car aujourd’hui, tu auras fait de ton mieux, comme ton enfant. Il mettra tous ses efforts (instinct de survie oblige 😉) pour s’adapter, jouer, se tailler une place dans sa nouvelle communauté, lever sa main, se rassurer sur son tapis de sieste, partager. Soit indulgent ce soir. Vos systèmes nerveux ont été ébranlés. Il fume un peu même! Toute la famille traverse un gros moment d’adaptation. Mais, fais-en pas trop! C’est normal ce passage, mais il demande de la bienveillance, de la patience. Pour chacun de vous.

On manges-tu des crêpes en pyjama ce soir pendant que tu me racontes ta journée ?